Avis du Conseil Supérieur de l’Aménagement du Territoire
le projet de Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT 2023)
Chap.1 : Introduction
Suite à la nouvelle loi concernant l’aménagement du territoire qui est entrée en vigueur en 2018, ainsi que la publication en 2021 des quatre plans directeurs sectoriels primaires « Logement », « Zones d’activités économiques », « Transports » et « Paysages », la refonte de l’actuel Programme directeur d’aménagement du territoire qui date de 2003 s’avère aux yeux du CSAT comme une nécessité incontournable permettant d’arrêter et de publier certains diagnostics relatifs au développement du Luxembourg des deux dernières décennies, tout en fournissant un nouveau programme auquel les acteurs publics en matière d’aménagement du territoire au sens large devront s’orienter pour éventuellement adapter leur politique territoriale.
Pour le CSAT, le PDAT doit notamment constituer un document phare qui permet de guider les décideurs vers un aménagement du territoire rationnel et cohérent pour les deux décennies à venir. De plus, il se doit de proposer de très bonnes pistes afin d’augmenter la qualité de vie des habitants, de maîtriser les défis démographiques, sociologiques et économiques actuels et futurs du Luxembourg, ainsi que de préparer la société toute entière à faire face à la transition écologique.
Dès lors, bien que le PDAT ne soit pas en soi un document contraignant ou normatif d’un point de vue juridique et du moment qu’il ne produit pas de droits ou d’obligations directs, son rôle orientatif est incontestablement d’importance primordiale, raison pour laquelle le CSAT ne peut se défendre, comme dans ses avis passés, de réitérer qu’il déplore le retard procédural de la refonte des instruments de l’aménagement du territoire.
En effet, un nouveau PDAT aurait préférablement dû précéder l’entrée en vigueur des plans directeurs sectoriels. Cependant, il y a lieu de relativiser cette critique. En effet, d’une part, les plans directeurs sectoriels ou plans d’occupation du sol ne sont pas immuables dans le temps et devront le cas échéant faire l’objet de remaniements ultérieurs avec l’entrée en vigueur du nouveau PDAT 2023. Il en ira de même pour la loi concernant l’aménagement du territoire.
D’autre part, le CSAT est conscient que la politique d’aménagement du territoire est délicate et complexe, car même sous l’égide du PDAT actuel de 2003 et suite à un premier échec en 2014, il a fallu en somme près de 18 années pour émettre et rendre opérationnel les plans directeurs sectoriels primaires, plans à caractère réglementaire et contraignants censés coordonner et orienter les secteurs les plus importants en matière d’aménagement du territoire. C’est-à-dire que pendant la quasi-totalité de l’existence du PDAT 2003 il n’existait pas de plans directeurs sectoriels dans ces secteurs.
En même temps, les grands principes du PDAT de 2003 restent toujours valables aujourd’hui et le nouveau PDAT 2023 semble, du moins en grande partie, les reprendre, même si les objectifs et défis sont entre-temps devenus nettement plus ambitieux notamment en matière de lutte contre la crise climatique et de lutte contre l’artificialisation du sol.
Le CSAT salue en outre le fait que le PDAT 2023 se réfère au PNM 2035 afin de couvrir par-là les plus grandes parties du volet mobilité mais le CSAT conseille que le PDAT retrace les lignes directrices les plus importantes afin de les ériger en vrais principes de l’aménagement du territoire et de les rendre plus pérennes.
Selon le CSAT, le grand défi du nouveau PDAT 2023 est d’éviter efficacement de ne passer que pour un nouvel habillage ou « lifting » à l’instar de celui de 2003, et d’éviter à ce que les évolutions territoriales insoutenables qui ont eu lieu par le passé ne se reproduisent plus. Il doit notamment veiller à ce que les instruments futurs qui le mettront en œuvre tableront sur des constats pertinents et miseront sur les objectifs à moyen et long terme bien définis : les horizons 2035 et 2050.
Vu l’urgence de ces enjeux, la mise en œuvre du nouveau PDAT n’est pas compatible avec des outils lourds ou lents, raison pour laquelle il est essentiel que l’Aménagement du territoire soit doté du poids politique et des moyens financiers adéquats, ainsi que des instruments nécessaires pour mener à bien ses missions.
A ces fins, le CSAT renvoie à ses avis antérieurs concernant des domaines couverts par le présent projet de PDAT, à savoir l’avis du 9 mars 2018 relatif au processus participatif dans le cadre de la refonte du PDAT, l’avis du 21 septembre 2018 concernant les quatre plans directeurs sectoriels primaires, et l’avis du 28 avril 2021 concernant l’armature urbaine du Grand-Duché de Luxembourg.
Ensuite, quant à la méthode adoptée pour l’élaboration du présent avis, face au projet de PDAT 2023 comportant, annexes comprises, plusieurs centaines de pages, il s’agira de mettre en évidence les éléments plus ou moins forts du projet que le CSAT a pu identifier lors de ses analyses et de proposer autant que possible des conseils constructifs.
Le CSAT a organisé son avis en trois chapitres qui correspondent aux trois grandes questions qui ont suscité son attention particulière et qui suivent plus ou moins la structure, chapitre par chapitre, proposée par le projet de PDAT 2023 et des annexes y relatives :
- Peut-on partager le diagnostic des défis et les principes et objectifs politiques esquissés par le projet de PDAT 2023 ? Le scénario visé est-il réaliste et viable dans une perspective de transition écologique ?
- Peut-on imaginer que les stratégies à mettre en œuvre soient opportunes, adaptées et efficaces ?
- Quels sont les effets en terme d’implémentation du PDAT, les outils sont-ils adéquats ? Quelles mesures peut-on actionner et opérationnaliser dans un avenir proche ?
Chap.2 : « Nouveaux » défis et objectifs politiques basés sur un scénario maximaliste – est-ce soutenable ?
Le système des centres de développement et d’attraction (CDA) ou le concept intégré de transport et de développement spatial (IVL) n’ont pas eu une incidence tangible pour freiner ou inverser les tendances de développement et de croissance incontrôlées qui ont eu lieu ces deux dernières décennies. La réalité économique a montré clairement que les plus hauts scénarios prévisionnels de développement démographiques et d’emplois ont été largement dépassés.
Le CSAT doit constater que les objectifs qui ont été fixés dans le PDAT de 2003 n’ont pas été atteints, cela est révélateur des difficultés d’implémenter une véritable politique d’aménagement du territoire au Luxembourg.
Dans sa partie introductive, le projet de PDAT 2023 relève certes les mêmes constats, principes et objectifs politiques que pour le PDAT 2003, certains d’entre eux étant en effet immuables. Le CSAT ne remet bien évidemment pas en cause ces principes et objectifs, car de par leur nature, ils sont aujourd’hui comme avant toujours valables puisqu’ils gravitent autour des objectifs de développement durable considérant le sol comme un bien rare qu’il faut protéger.
Toutefois, le CSAT constate que deux objectifs ambitieux et clairs guident plus particulièrement ce nouveau programme directeur, à savoir ceux du « Double Zéro », zéro émission de carbone et zéro artificialisation des sols.
Ces deux objectifs sont relatifs au phénomène de réchauffement climatique produisant une récurrence d’évènements météorologiques extrêmes (canicules, inondations…) et ils renvoient à la nécessité impérative de renforcer la résilience territoriale.
Le CSAT est fermement d’avis qu’il s’agit là du défi majeur et de l’objectif clé pour que le Luxembourg puisse assurer une bonne qualité de vie envers ses citoyens et diminuer les risques d’une détérioration de la résilience en lien avec la crise climatique, l’utilisation et la consommation des ressources naturelles telles que l’eau, le sol, la forêt. La consommation énergétique et la réduction des émissions de gaz et autres polluants ainsi que celle de l’empreinte carbone sont au cœur des préoccupations de ce nouveau programme directeur. Il s’agit de préserver au maximum notre environnement naturel et la biodiversité tout particulièrement.
En posant deux horizons, c’est-à-dire 2035 et 2050, la réponse attendue est progressive et permettra, en théorie du moins, d’œuvrer vers ces deux objectifs énoncés précédemment. Ces deux horizons devraient permettre de tirer les premiers bilans en cours de route et de prendre d’autres mesures ou des mesures correctrices additionnelles. Par cette approche temporelle, le PDAT 2023 permet d’agencer des objectifs à moyen terme et des objectifs à plus long terme en matière de résilience territoriale.
En revanche, le projet de PDAT fait défaut de métriques chiffrées et plus précises afin de paver le chemin pour arriver aux buts visés. La seule métrique que le CSAT a pu retrouver dans le projet sous avis est celle définie par rapport à l’artificialisation du sol, mais des métriques plus globales qui prennent en compte la croissance démographique et l’utilisation du sol, ou la résilience du nombre de personnel de services socio-médicaux (mobilisation transfrontalière dans les deux sens) ou encore la résilience énergétique font complètement défaut. Le CSAT conseille dès lors que de telles métriques soient aussi élaborées et intégrées dans le PDAT, ou que du moins le PDAT pose les jalons principaux pour que de telles métriques soient établies afin de guider les choix de la politique d’aménagement du territoire et des politiques sectorielles de manière pragmatique, concrète et mesurable, selon des seuils à confronter peut-être avec d’autres documents comparables.
Le PDAT 2023 fait bien de souligner qu’il n’a pas vocation à empiéter sur les compétences et attributions des différents ressorts ministériels, mais le CSAT est toutefois d’avis que le rôle de coordination de l’aménagement du territoire peut toujours être amélioré et renforcé dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs politiques. C’est du moins ce que le CSAT croit en partie comprendre par « objectif transversal : gouvernance » inscrit au tableau à la page 16 du rapport.
Ensuite, le CSAT constate que le scénario retenu pour le PDAT 2023, parmi les 4 scénarios établis par STATEC en 2017, est le scénario maximaliste, se basant sur une croissance du PIB de +4.5% par an (*80,9% par rapport à 2017).¹ Ce scénario prévoit une population résidante de 826.700 emplois (448.000 frontaliers) pour 2035 et de 1.162.200 d’habitants pour 2050. Il engendre une croissance de 13.300 nouveaux habitants et de 10.000 nouveaux emplois chaque année.
Considérant les objectifs majeurs visés du « Double Zéro », le CSAT met en doute le choix retenu pour le projet de PDAT 2023 de partir d’un scénario maximaliste seulement au motif qu’il serait le plus probable. Car il apparaît clairement contradictoire de vouloir remplir cet objectif ambitieux avec un tel scénario.
Ce scénario avait également été retenu comme hypothèse de départ de l’équipe de l’Université du Luxembourg lors de la consultation internationale « Luxembourg in transition » lancée par le Département de l’aménagement du territoire. Or, cela ne devrait pas signifier qu’il s’agisse-là du scénario reflétant l’objectif le plus souhaitable pour atteindre les objectifs ambitieux du PDAT 2023. Néanmoins, l’approche adoptée par le PDAT 2023 risque de donner l’impression que l’avènement de ce scénario soit souhaité.
Car en effet, l’aménagement du territoire devrait normalement pouvoir proposer de guider la croissance et non seulement réagir et planifier par rapport à un scénario maximal, ce qui ne constituerait qu’une sorte de « damage control » continu que l’on a pu constater les dernières décennies.
Le CSAT critique dès lors que le PDAT 2023 manque à expliquer et à justifier le choix d’une option maximale de scénarios établis par le STATEC en 2017. Et dans la logique même d’un scénario maximaliste, le CSAT se pose sérieusement la question en quoi cela serait réellement viable à long terme compte tenu des événements externes majeurs auxquels le pays a dû faire face depuis lors : la crise sanitaire liée à la pandémie COVID et les effets de la guerre en Ukraine. Il semble dès lors difficilement concevable que ce scénario maximaliste soit compatible avec les engagements environnementaux pour la réduction des émissions de carbone, voire la transition vers un futur décarboné. Il est dès lors important de proposer des scénarios et de prendre des mesures contres des processus (économiques, sociaux, etc.) qui risquent d’entraîner un tel scénario maximaliste.
Ce qui fait donc défaut est la description et l’agencement du PDAT autour d’un scénario, non maximaliste, mais « optimal, souhaitable et soutenable », et qui puisse présenter les possibilités concrètes les plus opportunes pour faire face aux défis actuels et futurs.
C’est notamment autour d’un tel scénario qu’il faudrait s’orienter afin de développer les moyens pour tenter d’atteindre les objectifs recherchés. Le CSAT propose dès lors de reconsidérer ce scénario maximaliste de développement choisi qui ne paraît pas être adapté aux impératifs à mettre en œuvre au Luxembourg et aux buts mêmes recherchés par le PDAT 2023. Parallèlement, il serait opportun de demander au STATEC de procéder à une révision de ses scénarios socio-économiques en y intégrant les objectifs environnementaux du « Double Zéro ».
D’autre-part il échoit à l’Aménagement du territoire de proposer un scénario viable de développement de l’espace en fonction des capacités de l’armature urbaine à absorber le développement de l’habitat, des infrastructures sociales et économiques.
A cet effet le CSAT s’interroge si l’armature urbaine telle que présentée par le PDAT 2023 est réellement capable de résorber adéquatement le scénario maximaliste, car la répartition territoriale de la population (36,4 %) et de l’emploi (52,3 %) est allouée pour une grande partie à l’Agglomération Centre.² Aucune justification ou explication ne sont fournies quant à ces répartitions.
Il serait dès lors plus opportun de fournir les explications de la manière dont la croissance future de population ainsi que de l’emploi sont allouées aux différents espaces du pays. D’autant plus qu’il est difficile de comprendre que l’on veuille encore allouer plus de 50% de la croissance de l’emploi à l’Agglomération Centre alors que c’est notamment cette dernière qui souffre déjà aujourd’hui de l’hyper-concentration de l’emploi et d’une hypercentralisation des services.
Le CSAT se pose en effet la question s’il n’est pas plus opportun de renforcer considérablement la politique de rééquilibrage territorial par la déconcentration concentrée de l’emploi, notamment vers les espaces en déficit d’emplois comme la Région Sud ou la Nordstad, voire dans certains CDA qui se localisent près des frontières et qui pourraient ainsi être à même d’absorber une partie de la croissance de l’emploi frontalier et de réduire les déplacements.
Ensuite, à la page 42, le PDAT 2023 explique qu’il « ambitionne d’anticiper les besoins infrastructurels tout en augmentant la sécurité de planification des diverses politiques sectorielles ». Le CSAT insiste qu’il est alors nécessaire de bien expliquer les méthodes afférentes pour réaliser ces objectifs.
En outre, le CSAT déplore le fait que le projet de PDAT 2023 ne traite pas la problématique de l’infrastructure énergétique et de la consommation kWh/jour en lien avec les espaces à fort intensité de développement. La recherche d’une résilience territoriale esquissée dans le PDAT devrait pouvoir proposer des solutions en vue d’une réduction de la consommation énergétique ou, des alternatives résilientes à une augmentation additionnelle en énergies qui auraient des impacts territoriaux non négligeables. Il en est de même pour la consommation de l’eau.
Or, le PDAT ne fournit pas de pistes, ni de solutions, notamment en lien avec le scénario de croissance maximaliste fort consommateur d’énergie et de ressources. Le CSAT aurait apprécié de retrouver dans ce nouveau PDAT une véritable stratégie de résilience visant à se défaire de cette croissance continue afin de réduire cette dépendance, voire d’y remédier efficacement.
Quant à l’artificialisation et à la consommation du sol, l’objectif du PDAT 2023 consistant à limiter maintenant ce phénomène à moins de 0,5 hectare par jour pour arriver progressivement à une artificialisation zéro nette à partir de 2050 est très ambitieux. Mais il se pose cependant la question suivante : comment arriver à un tel objectif avec un scénario de croissance maximaliste ?
Les ambitions semblent extrêmes et il faudrait un aménagement du territoire fondamentalement différent avec des stratégies d’utilisation du sol rigoureuses et ce déjà à très court terme. Les instruments présents et proposés seront-ils adéquats pour répondre à un tel défi ? Est-ce réalisable ?
Si les autorités de la Ville de Luxembourg semblent ces dernières années plus enclines par exemples à la densification du bâti, à ce qui paraît en raison d’un allègement des procédures y relatives, beaucoup d’autres communes sont plus réticentes ou très patientes pour mettre en œuvre une densification plus forte telle qu’elle est requise.
En revanche, le CSAT accueille positivement l’effort entrepris par le PDAT 2023 de pourvoir et de mettre en œuvre une réelle métrique³ ainsi que des définitions relatives à l’artificialisation et le scellement du sol, dont la différence et les nuances sont primordiales pour bien comprendre l’objectif de la zéro artificialisation nette. Néanmoins, le CSAT se pose la question de ce qui est concrètement considéré comme terrain artificialisé :
- les zones prioritaires d’habitation du plan directeur sectoriel « logement » sont-elles incluses dans ces calculs ?
- qu’en est-il des projets d’envergure à forte consommation de surface tels que les lycées ou les voies de contournements ?
- les communes concernées sont-elles alors « bloquées » dans la mesure où l’artificialisation du sol leur est en quelque sorte imposé par des besoins nationaux ou dépassant leurs propres besoins relatifs à leur territoire ?
Le PDAT 2023 semble prévoir que toutes les surfaces réellement artificialisées, c’est à dire celles dont leur état naturel est altéré, sont incluses dans les calculs, de sorte qu’aux yeux du CSAT des inégalités peuvent se créer lors de la mise en œuvre des plans directeur sectoriels « logement » (PSL), « zones d’activités économiques » (PSZAE) et « transport » (PST). En même temps, le PDAT 2023 décrit à la page 46 que les plans directeurs sectoriels ne sont pas remis en cause. Ceci démontre tout au plus une approche incohérente de la politique d’aménagement du territoire qui d’une part détermine les endroits à développer prioritairement, souvent sur des sols naturels et hors CDA, et d’autre part de diminuer progressivement l’artificialisation du sol.
Certes, les PDS ne prévoient pas de phasage de développement ni même obligation de développement, mais le CSAT souhaite alors que l’objectif de la zéro artificialisation nette puisse générer auprès des communes des constructions plus denses et en hauteur pour ne pas artificialiser davantage des sols. Les communes ont pourtant peu de moyens pour diriger le développement des zones définies par les plans directeurs sectoriels précités, car refuser des demandes d’autorisation de construire sur base du simple PDAT au motif que le taux d’artificialisation des sols de la commune entière est atteint semble fortement improbable, sinon impossible en l’état actuel.
En conséquence, le CSAT est d’avis que les seuils maximaux d’artificialisation doivent prendre en considération les terrains à développer prioritairement prévus par le PSL. Ces communes doivent dès lors être à même de développer (artificialiser), dans les limites posées, tant les zones du PSL que le restant de leur territoire selon une clé de répartition adéquate.
Pour le cas du développement des zones issues du PSZAE, l’artificialisation devrait en outre se répartir sur les seuils de toutes les communes exploitant ou profitant d’une même zone d’activités, indépendamment du fait si la zone soit localisée sur un seul des territoires communaux.
Ensuite, en cas de réalisation de projets d’infrastructures d’envergures sur un territoire d’une commune, mais qui présente un intérêt plutôt régional ou national, alors le CSAT propose que l’artificialisation causée devrait aussi se répercuter sur les seuils maximaux de toutes les communes concernées.
Ceci dit, le CSAT salue néanmoins le principe de l’établissement du tableau de seuils maximaux par commune (poids relatif des communes – Annexe II pour absorber la croissance). Les seuils devraient pouvoir orienter les urbanistes. Mais en même temps, il est nécessaire que ces seuils prennent en compte les considérations exposées ci-avant et il faudrait le cas échéant introduire dans ce contexte la notion de phasage temporel par commune et par CDA.
Le PDAT devrait donc distinguer différents degrés d’artificialisation du sol sur une certaine période de temps. En tout état de cause, il devrait y avoir des instruments de l’aménagement du territoire qui viendraient à régler et à coordonner la transition vers la zéro artificialisation nette, tels que par la mise en place :
- de systèmes d’indemnité et de compensation,
- d’un système de redistribution des densités aux endroits propices et bien adaptés du territoire,
- de la proscription de densités d’urbanisation trop basses et consommatrices d’espaces (éviter la périurbanisation!),
- du classement de terrains en zone d’aménagement différé (et qui perdront théoriquement leur valeur d’affectation à partir de 2050),
- de reclassements en zone verte avant l’échéance de 2050,
- de la renaturation de sols et d’espaces.
En outre, le CSAT suggère qu’il faudrait établir une liste prioritaire des types de terrains disponibles, comme par exemple la reconversion des friches industrielles en premier lieu, les zones superposées du PSL et PSZAE, etc. La question est de savoir comment mobiliser d’abord les sols les plus propices et déjà artificialisés afin de diriger le développement vers ces endroits ?
Le CSAT est d’avis que l’on pourrait déjà, à l’image des principes du Raum+, établir une liste des propriétaires de tels fonds et d’engager le dialogue avec ceux-ci afin de mobiliser les terrains adaptés en cas de besoin. Le PDAT 2023 devrait concrètement poser des pistes dans ce sens.
Il y a lieu de faire valoir les résultats issus de l’étude Raum+ relatives à la capacité d’habitation (Wohnkapazität). Dans ce contexte le CSAT renvoie à l’étude autrichienne, de la Ville de Salzburg, relative à la « Wohnbedarfsprognose ». Cette étude démontre que dans cet espace urbain il y a quelque 170.000 bâtiments destinés au logement non occupés ou sous-occupés. Il est à noter que beaucoup de personnes âgées habitent dans des maisons très spacieuses sises sur des terrains encore plus grands et qu’à cet effet il est mis en place un système de « Abrissmoratorium » dans ces espaces urbanisés de la Ville de Salzburg. Ce constat rejoint aussi les analyses ou idées tirées de la consultation LIT qui relève un potentiel important en logements supplémentaires parmi les habitations déjà construites au Luxembourg: p.ex. multi-use, inter-générations, logement intégré (Einliegerwohnungen), etc.
Actuellement, le Luxembourg est toujours champion en ce qui concerne la typologie des maisons unifamiliales et il existe un énorme potentiel de logements par habitant, même si le marché immobilier actuel tend déjà vers une densification (Nachverdichtung) des espaces bâtis, par la démolition de maisons unifamiliales remplacées par la construction de maisons bi-familiales ou de résidences à appartements.
D’ailleurs, le CSAT estime pourtant qu’il serait utile d’intégrer dans le PDAT les illustrations de la brochure « Liewensqualitéit erhalen: Fir haut a fir muer »⁴ qui montrent comment développer un quartier sans artificialiser plus de sol. Ceci rendrait le PDAT plus attractif et plus lisible sans devoir pour autant recourir à des brochures externes pour faciliter sa lecture et sa mise en œuvre sur le terrain.
Le CSAT est d’avis que le PDAT 2023 devrait plus concrètement décrire comment diriger la croissance vers certains espaces et comment compenser le fait de ne pas urbaniser les espaces ruraux. Si par exemple la zéro artificialisation nette est atteinte en 2050, quel serait le mécanisme d’indemnisation des propriétaires de terrains dans des espaces naturels « non-aedificandi » ?
Le CSAT conseille à exploiter l’idée suivant laquelle la non-utilisation ou non-consommation du sol représente aussi une valeur réelle, par exemple pour sécuriser la fonction nourricière ou pour promouvoir le stockage de CO2. La question est également de savoir comment redonner à l’espace rural toute son importance, comment protéger les espaces qui sont dotés d’une bonne fertilité des sols et ainsi présentent une haute valeur agronomique. La protection de ces terrains dédiés à l’agriculture pourrait faire l’objet d’un plan directeur sectoriel : « espaces prioritaires agricoles ». Un tel plan directeur pourrait alors établir des zones de territoire où une utilisation autre qu’agricole, sylvicole, viticole ou horticole ne devrait plus être possible et autorisée.
Dans cette perspective, les différents CDA devraient être « récompensés/dédommagés » lorsqu’ils absorbent la croissance démographique dans les limites qui leurs sont allouées.
En contrepartie, le milieu rural devrait être valorisé différemment pour promouvoir soit sa vocation agricole, ou encore son potentiel de stockage de CO2. Voilà déjà deux exemples illustratifs à développer et à concrétiser davantage. A relever qu’actuellement, les moyens des communes sont axés fondamentalement sur la croissance démographique. Certes, plus de croissance signifie plus de besoins en services comme en dépenses, ce qui requiert et engendre un surplus en dotations financières. Or, maintes communes rurales non CDA⁵, qui ne sont pas censées se développer à une allure excessive, et dont l’infrastructure n’est pas adaptée, devraient se voir « récompensées » pour leur développement modéré et contrôlé.
Le CSAT apprécie d’ailleurs la description plus précise des critères de développement à l’intérieur des CDA favorisant la croissance aux endroits les plus appropriés, c’est-à-dire de prioriser la centralité de la localité dans la commune plutôt qu’une localité périphérique.
Mais le CSAT verrait d’un bon œil l’établissement d’une cartographie spécifique déterminant la densité et la densification (pour saisir l’évolution dans le temps) de logements et leurs habitants dans les communes et localités, et ce jusqu’au niveau de chaque rue ou ilot. L’idée serait de créer des règles et conditions afin d’éviter le risque que des communes comme Erpeldange explosent en termes de croissance dans un CDA tel que la Nordstad.
Ensuite, le CSAT estime alarmant le fait que parmi les 4.100 hectares de surfaces destinées au logement dans les périmètres constructibles des PAG (équivalent à 156.000 unités de logement pour environ 343.000 habitants), moins d’un un tiers (1/3) des surfaces destinées au logement (48.000 habitations pour 105.000 habitants) se trouvent dans des CDA, ce qui est définitivement trop peu. Dès lors, deux tiers (2/3) de cette croissance urbanistique serait absorbée par les communes non CDA. Comment éviter alors les mauvais développements qui ont déjà eu lieu par le passé et que le PDAT actuel de 2003 n’a pas su freiner ? Le CSAT est fermement d’avis qu’il ne faut pas commettre les mêmes erreurs du passé.
Enfin, le CSAT n’a pas vu certaines communes, déclarées comme CDA en 2003, se développer plus intensément que certaines communes rurales. C’est par exemple le cas de la commune de Vianden. Le CSAT considère qu’il n’y a dès lors pas lieu de maintenir la commune en tant que CDA dans le nouveau PDAT car en fin des comptes, cette commune n’a qu’une importance touristique mais très peu de capacité de développement. Le maintien comme CDA n’est donc pas justifié. Le CSAT a l’impression qu’il y a réticence du PDAT à vouloir déclasser une commune qui par le passé a été désignée comme CDA.
¹ Projet de PDAT 2023 page 17 et tableaux pages 22 et 23 Bulletin n°3/2017 « Projections macroéconomiques et démographiques de long terme : 2017 – 2060 » https://statistiques.public.lu/fr/publications/series/bulletin-statec/2017/bulletin-03-17.html
² page 6 de l’Annexe 1 du projet de PDAT 2023
³ Métrique de la zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 : -7 ha chaque année = passer de 180 ha par année en 2022 à 90 ha par année en 2035 pour tendre vers 0 ha artificialisés par année à partir de 2050.
Chap.3 : Zones et aires fonctionnelles transfrontalières et espaces d’action
Le CSAT salue l’importance que le projet de PDAT 2023 alloue aux aires fonctionnelles transfrontalière et aux espaces d’action.
Aux yeux du CSAT, l’un des objectifs les plus incontournables définis par le PDAT 2023 est notamment l’objectif politique 3 relatif à la planification territoriale transfrontalière. Le CSAT est convaincu que pour atteindre une meilleure qualité de vie, les solutions ne peuvent être développées qu’ensemble avec les territoires fonctionnels limitrophes au Luxembourg. Les communes au-delà des frontières n’ont souvent pas les moyens financiers que disposent les communes luxembourgeoises et le PDAT 2023 a le mérite d’accorder une grande importance à la coopération territoriale transfrontalière. Le développement d’un système écolier et hospitalier transfrontalier, le covoiturage et le télétravail sont des exemples concrets de mesures d’application qui requièrent une solution territoriale en coopération avec les pays voisins, des mesures qui peuvent être simples d’application et peu onéreuses.
Quant à la forme, le CSAT déplore cependant que ce chapitre comporte des cartes, autant différentes que similaires les unes des autres, (p.111, 105, 148 etc.). Il serait plus opportun d’uniformiser une charte commune de représentation de ces cartes pour améliorer la lisibilité et la compréhension de ces dernières.
Quant au fond, le succès futur du développement du Luxembourg pour maîtriser ses défis réside dans une excellente stratégie transfrontalière, inclusive et non exclusive d’une coopération avec les autorités partenaires au-delà des frontières. Des modèles de coopération et de partenariats transfrontaliers peuvent être puisés du modèle de Genève, respectivement du Grand-Genève, d’où encore une fois l’importance de faire fructifier les aspects transfrontaliers tirés de la consultation internationale LIT.
Le CSAT est persuadé que la question de la résilience, pour un pays de la taille du Luxembourg, ne peut être valablement résolue qu’en coopérant avec les régions fonctionnelles transfrontalières. Mais le CSAT est aussi d’avis que la stratégie de localisation des emplois peut prévoir à la fois des solutions près des frontières et sur le territoire luxembourgeois. A relever dans ce contexte des initiatives comme la création d’espaces de co-travail, la mise en place de lignes de transports en commun transfrontalières, la construction d’espaces P&R, etc.
D’autres solutions telles la constitution d’espaces transfrontaliers de logement, de zones d’activités économiques ou d’infrastructures fonctionnelles sont également à rechercher.
Ici, le focus revient surtout à une meilleure répartition des emplois attirant les navetteurs frontaliers, afin de diminuer leurs distances de trajet et de privilégier l’usage des moyens de transports en commun.
Mais, le Luxembourg est-il vraiment capable d’orienter efficacement la localisation de l’emploi en dehors de son territoire face à d’éventuels obstacles légaux et administratifs? Même, à l’intérieur des limites du territoire luxembourgeois, il est déjà difficile de privilégier certains espaces pour l’emploi par rapport à d’autres et cela malgré une politique volontariste de déconcentration de l’emploi. Ainsi le quartier « Cloche d’Or », a pu attirer nettement plus d’emplois en 5 ans que le quartier « Belval » en 20 ans. Ici, l’attractivité de la Ville de Luxembourg n’est certes nullement à négliger, mais il s’agit d’illustrer les difficultés liées à la planification de la localisation des emplois sur le territoire ainsi qu’aux obstacles des développements plutôt indésirables d’aménagement du territoire.
Quant aux espaces d’action nationaux, le CSAT note en premier lieu qu’il s’agit bien d’une illustration prospective en vue des actions à entreprendre endéans un certain espace. Le CSAT trouve toutefois que les espaces sont définis sur les cartes de manière trop complexe et imprécise, des cartes simplifiées et schématiques s’apprêteraient mieux à cette cause.
D’ailleurs, le CSAT ne comprend pas pourquoi les espaces des régions Nord et Sud sont indiquées par leurs limites communales tandis que les autres ne le sont pas. Sans devoir surcharger les cartes, il devrait être possible de mieux illustrer l’agencement des espaces d’action par rapport aux CDA.
Ensuite, le CSAT prend note de la « scission » de la vallée de l’Alzette en tant qu’espace d’action, c’est-à-dire qu’il y a un partage entre les communes attirées primordialement vers le CDA de Mersch et celles plutôt vers la Ville de Luxembourg. Pourtant, un espace d’action réunissant la vallée de l’Alzette comme unité territoriale n’aurait pas été tout à fait faux. Le PDAT devrait pouvoir identifier tout espace d’action potentiel, même si les communes concernées n’ont plus eu la volonté de prolonger la convention « Uelzechtdall 2013-2017 ». Le rôle de l’aménagement du territoire devrait être celui d’animer et de promouvoir des coopérations entre communes présentant une importance en termes d’aménagement du territoire. Alors, il importe peu qu’à un certain moment une coopération lancée ait échoué ou n’ait pas fructifié comme souhaité. Effectivement, le PDAT devrait toujours inciter à initier et à accompagner de telles possibilités de coopération territoriale. Comme les espaces ont entre autres une vocation prospective, il résulte d’une réflexion erronée au niveau du PDAT 2023 de scinder un espace d’action en raison d’évènements antérieurs. Les espaces d’action devraient traduire des initiatives visées et souhaitées de politique d’aménagement du territoire, indépendamment de l’état des lieux actuel. Le CSAT invite dès lors à reconsidérer la « vallée de l’Alzette » comme espace d’action unifié et soutenu.
Concernant l’espace d’action « Interurbane Gréngraum », le CSAT a l’impression qu’il se rapproche de la « zone verte interurbaine » posée par le plan directeur sectoriel « paysages » – PSP. Ceci tend à porter à confusion, car les concepts ne sont dans les faits pas identiques :
- « Interurbane Gréngraum » espace d’action = les communes sont invitées à coopérer
- « zone verte Interurbaine » PSP = stop à l’urbanisation.
Certes les deux concepts ne s’excluent pas mutuellement, mais les défis pour de tels espaces ne sont pas à sous-estimer.
Concernant l’espace d’action « Jonglënster an Ëmland », le CSAT constate que juste la localité de Junglinster a bien été définie, par contre la définition du soi-disant « Ëmland » fait en quelque sorte défaut. En effet, la Commune de Junglinster s’est bien développée en CDA d’importance régionale, toutefois le risque permanent de dépendance à la Ville de Luxembourg peut poser des problèmes.
Concernant l’espace d’action « Miersch an Ëmland », le CSAT met en exergue le risque d’une pression accrue sur l’augmentation de l’artificialisation du sol.
Le développement proposé par le PDAT pour la plupart des espaces d’action est surtout axé sur le chemin de fer. Or quelques communes CDA (Echternach, Vianden, Rédange, Mondorf, Junglinster…) et beaucoup de communes périphériques aux CDA ne sont accessibles que par la route.
Est-ce que le PDAT ne devrait pas analyser et formuler des propositions concernant la mobilité (transport en commun, utilisation voiture individuelle, mobilité douce) pour gérer ces flux, surtout par rapport à l’omniprésence de la voiture individuelle?
A côté de la « Ville du quart d’heure », la « Région à 15 minutes » pourrait être un concept à développer pour ces espaces d’action. La vision territoriale qui est actuellement en cours d’élaboration pour le canton de Rédange pourrait dès lors tirer de telles inspirations du nouveau PDAT 2023.
D’autre part le PDAT 2023 ne se prononce pas sur la manière de « guérir » les « plaies » existantes, ce qui serait nécessaire pour redynamiser certains CDA proches de zoning commerciaux (Wiltz pour Pommerlach, Clervaux pour Marnach, Wemperhardt, Wasserbillig, Foetz…).
Considérant tous les espaces d’action de manière transversale, le CSAT aurait préféré la définition de plus de directives d’orientation ou bien la mise en place d’une sorte de grand schéma directeur illustrant les perspectives d’un développement choisi comme « Leitfaden ». En ce qui concerne les espaces d’action relatifs aux « parcs naturels », il y a lieu également de mettre en œuvre l’élaboration de ce type de « schéma directeur ».
Ainsi, le CSAT conseille d’insérer à la page 193 du projet de PDAT 2023 un tableau synthétique pour l’ensemble des espaces d’action. Ceci permettrait de procéder à une meilleure comparaison des différents indicateurs et de présenter un bilan synthétique sur l’ensemble de ce type d’espace.
En somme, le CSAT salue la définition des espaces d’action au niveau du PDAT 2023. Car c’est dans ces espaces qu’il faut développer les concepts qui vont privilégier et concentrer le développement futur.
Chap.4 : Outils et mesures pour la mise en œuvre du PDAT 2023.
Le CSAT félicite les auteurs du projet de PDAT 2023 d’avoir inclus une partie expressément dédiée aux outils et mesures pour la mise en œuvre du PDAT 2023, car en fin de compte sans outils appropriés une concrétisation des constats et des stratégies du PDAT ne pourront que difficilement trouver une application concrète sur le terrain.
Il apparaît que le projet de PDAT 2023 établit une liste d’outils classiques déjà en place en décrivant leur nécessité ou possibilité d’évoluer à court terme, tout en ouvrant l’exploration de nouvelles pistes et mesures pouvant compléter l’arsenal d’outils actuel. Le PDAT 2023 manque pourtant à nommer explicitement toutes les lois et règlements qui devraient subir des modifications.
De manière générale, l’objectif de vouloir renforcer ou adapter les dispositifs existants et de les compléter avec de nouvelles mesures à mettre en place est une approche qui peut être approuvée par le CSAT, néanmoins il serait souhaitable que le PDAT pointe nommément vers les bonnes modifications légales à entreprendre et qu’il fournisse une vraie stratégie temporelle pour le développement de nouveaux outils.
Concernant plus précisément les parcs naturels, leur renforcement en tant qu’outil serait certes à accueillir positivement, mais ils ne doivent pas se subroger à d’autres outils dédiés plus spécifiquement à la planification spatiale. Le CSAT verrait d’un bon œil la coordination et l’agencement à plusieurs niveaux d’une série d’autres outils avec les parcs naturels afin d’assurer un développement cohérent pour atteindre certains objectifs du PDAT.
Ensuite, le CSAT est fermement convaincu que les mesures et outils d’ordre financier sont des plus importants à réformer et à mettre en place pour une mise en œuvre et une coordination effective du PDAT 2023. Il s’agit d’orchestrer plusieurs instruments financiers entre eux tels que des subventions, des fonds de compensation, les impôts et la dotation globale allouée aux communes.
En effet, en mettant l’accent sur un remaniement de la clé de dotation des communes, selon qu’il s’agisse d’un CDA ou d’une commune endogène ou d’une agglomération d’importance nationale ou internationale, ce distinguo devrait être mentionné et traité « expressis verbis » par le PDAT 2023. Il ressort bien que de tels instruments financiers devront être implémentés concrètement au niveau des communes concernées. Mais l’impression demeure que le projet de PDAT hésite trop sur ce point au lieu d’affronter concrètement ce défi manifeste.
Ainsi, des communes qui n’ont pas vocation à se développer fortement, ne devraient pas être désavantagées ou même pénalisées financièrement pour l’approche qu’elles adoptent pour de respecter les objectifs de croissance adaptée et de développement que pose le PDAT et ses instruments de mise en œuvre.
En d’autres termes, le critère de croissance devrait uniquement avoir un impact financier dans des communes où une croissance poussée est bien compatible avec les objectifs du PDAT.
Contrairement à l’amalgame fait à la page 235 du projet de PDAT, il serait mieux de clairement distinguer entre, d’un côté, les dotations financières pour des services nécessaires imposés aux communes par la loi et, de l’autre, des subventions à allouer aux communes pour leurs efforts soutenus et engagés au niveau de l’écologie, de la biodiversité ou encore de la résilience énergétique.
Dès lors, le CSAT suggère de parler plutôt de soutien ou de subvention que de compensation. Car la notion de compensation renvoie plutôt à l’idée de droits acquis qui pourraient être lésés, alors qu’il s’agit en réalité d’une attitude d’engagement à promouvoir ou à décourager suivant les cas de figure.
Il devrait notamment exister un système de «bonus/malus» par analogie au monde des assurances ou encore à certains principes écologiques mis en place comme pour l’écoconstruction ou l’achat de véhicules. La mise en place de fonds spécifiques à cet effet semble une piste nécessaire à creuser. Le CSAT n’est non plus opposé à la création de fonds ou de systèmes compensatoires pour les cas où en effet des droits acquis seraient lésés.
Concernant l’effet contraignant du PDAT, le CSAT est conscient qu’un tel document ne peut que difficilement correspondre aux critères de règles normatives générales et abstraites que présenterait une loi par exemple. Mais le PDAT devrait même plus que par le passé trouver une acception jurisprudentielle plus conséquente afin de soutenir les juges et magistrats pour trancher des litiges, c’est-à-dire pour mieux pouvoir interpréter les lois et règlements au cas par cas. Les éléments qui pourtant peuvent être exprimés de manière contraignante devraient néanmoins être insérés dans la loi.
Le CSAT souligne que « donner une base constitutionnelle » à l’aménagement du territoire est effectivement un objectif à atteindre en priorité. Ceci permettrait, que des critères plus spécifiques liés à l’aménagement du territoire comme p. ex. : densité de logement spécifique, ratio/degré de densification – Nachverdichtung, puissent puiser d’une base constitutionnelle et partant se manifester à travers d’outils plus contraignants de l’aménagement du territoire, mais également au niveau des PAG ou PAP communaux.
A relever encore que l’actuelle prise en compte de l’aménagement du territoire dans les études préparatoires des PAG semble insuffisante aux yeux du CSAT pour éviter efficacement des développements allant manifestement à l’encontre des objectifs PDAT 2023 (et plus généralement du développement durable).
Chap.5 : Conclusions
Le défi qui est posé par ce nouveau programme directeur est bien plus grand que le précédent car la vitesse du changement climatique et la nouvelle politique énergétique ont pris aujourd’hui une importance bien plus grande qu’il y a 20 ans. En revanche nous avons mis plus de 15 ans à mettre en place de nouveaux dispositifs d’aménagement que sont les plans sectoriels et ceci dans une période à forte dynamique de croissance économique.
Il nous faut inverser la vitesse de planification si l’on veut atteindre les objectifs ambitieux du « Double Zéro » formulé par le PDAT 2023. La planification devra agir beaucoup plus rapidement que durant la période précédente et pour cela il faudra donner plus de moyens à l’aménagement du territoire.
La contradiction entre les normes élevées fixées au niveau des objectifs et les faibles ressources mises à disposition, amène le CSAT à se poser la question sur la capacité de planification de l’Etat, sans compter la suffisance des instruments juridiques et financiers. Le risque est d’être rapidement dépassé si la fonction de coordination n’est pas suffisamment exercée. Il faut que les décisions stratégiques sur les trajectoires à adopter soient prises en haut lieux et ne soient pas laissées à l’appréciation des municipalités.
Pour ce faire, le CSAT est d’avis qu’il faudra intensifier encore d’avantage la coopération et la coordination entre la planification au niveau des services de l’Etat et celle dévolue aux collectivités locales et plus particulièrement en matière d’urbanisme. Cette coopération est la clé du succès de cette politique d’aménagement du territoire pour changer notre urbanité, notre façon de vivre et de se déplacer, voire de travailler.
Le CSAT demande la mise en œuvre d’un véritable plan d’action national relatif à la stratégie PDAT. Ce plan ambitieux comportant des axes prioritaires devra être porté par les communes et dispensera de moyens et ressources permettant aux communes de le réaliser sur une période couvrant les prochaines 20 années. Mais il est clair que ce plan devra également être partagé dans sa mise en œuvre par d’autres acteurs économiques et financiers (individus et entreprises, ONG…) afin de permettre dans le futur le maintien d’une bonne qualité de vie à ses citoyens et de diminuer les risques d’une détérioration de la résilience en lien avec le changement climatique.